fiche d’information patient : SYNDROME DE L’INTESTIN IRRITABLE
Le syndrome de l’intestin irritable (SII), également appelé « colopathie fonctionnelle » ou « côlon irritable », est une authentique maladie digestive, bénigne et fréquente mais trop souvent négligée alors même qu’elle retentit parfois gravement sur la qualité de vie. Elle n’a rien de « psycho-somatique » même si les facteurs psychologiques peuvent accentuer les symptômes.
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) fait partie des troubles fonctionnels intestinaux. L’emploi du terme de côlon irritable n’est plus utilisé car l’intestin grêle joue également un rôle dans ce syndrome.
Il s’agit d’une pathologie chronique (au moins 6 mois d’évolution) associant des douleurs abdominales et des troubles du transit intestinal comme des épisodes de diarrhée ou de constipation voire une alternance des deux.
Le syndrome de l’intestin irritable est une pathologie dite « fonctionnelle ». Cela signifie qu’aucune anomalie des organes en cause n’est repérée au moyen des examens courants (pas d’anomalie de la muqueuse intestinale, par exemple).
Les douleurs (spasmes, torsions, parfois brûlures) sont souvent au premier plan, d’intensité variable chez une même personne, très fréquemment associées aux ballonnements. Elles peuvent siéger partout dans l’abdomen, principalement autour du nombril (région péri-ombilicale, dans les flancs et les fosses iliaques, la région pelvienne…) ou même être une douleur en cadre c’est-à-dire qui suit le trajet du côlon. Ces douleurs, parfois intermittentes, sont souvent accentuées quelques heures après les repas et peuvent être soulagées ou au contraire aggravées par l’émission de selles et/ou de gaz.
D’éventuels symptômes extra-digestifs ne sont pas à négliger (céphalées, bouffées de chaleur, douleurs musculaires, asthénie (fatigue), etc.).
L’ensemble des symptômes du syndrome de l’intestin irritable sont bénins mais ils peuvent altérer de manière très importante la qualité de vie, que ce soit l’alimentation, le sommeil, l’image de soi, la vie en société, professionnelle et sexuelle.
Quelles sont les causes ?
Le syndrome de l’intestin irritable, une maladie multifactorielle
Différents facteurs, d’importance variable selon les individus, sont impliqués dans le syndrome de l’intestin irritable. Les troubles de la motricité au niveau de l’intestin grêle et du côlon sont à l’origine d’une accélération ou d’un ralentissement du transit. L’intestin est aussi souvent trop sensible à son contenu (gaz et selles), d’où des sensations désagréables et d’inconfort qui ne sont normalement pas perçues.
A ces troubles de la sensibilité intestinale retrouvés chez 60 % des malades, s’ajoutent parfois des anomalies des mécanismes de contrôle de la douleur viscérale au niveau du système nerveux central ainsi qu’un déséquilibre dans la composition de la flore bactérienne intestinale (microbiote). On parle alors de dysbiose, observée chez deux tiers des personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable.
La théorie de l’« intestin poreux » décrit une augmentation de la perméabilité intestinale (chez 50 % des malades), permettant le passage de fragments bactériens qui provoquerait des réactions inflammatoires minimes et rendrait ainsi l’intestin hypersensible.
L’anxiété, le stress ou une exposition régulière à des événements stressants, d’authentiques syndromes axio-dépressifs, une histoire d’évènement de vie douloureux (divorce, deuil, abus sexuel) peuvent déclencher le syndrome et/ou accentuer les symptômes.
La fibromyalgie, la cystite à urines claires (interstitielle), la dyspepsie (ensemble de symptômes de douleur ou de malaise épigastrique, le reflux gastro-œsophagien (RGO) sont quelques-unes des maladies parfois associées au syndrome de l’intestin irritable (comorbidités). Par exemple, un syndrome de l’intestin irritable est présent chez environ la moitié des personnes fibromyalgiques.
Qui présente un risque ?
Les femmes, trois fois plus touchées que les hommes
En France, en Europe et en Amérique du Nord, le syndrome de l’intestin irritable touche trois femmes pour un homme. Une particularité occidentale encore inexpliquée. Des pistes existent, comme un temps de transit colique plus lent chez elles, un seuil de sensibilité viscérale plus bas ou encore le fait que les femmes sont plus sujettes à conserver des symptômes séquellaires de gastroentérite ou « syndrome de l’intestin irritable post-infectieux ». En effet, les infections gastrointestinales, même bénignes, multiplient par deux à trois le risque de syndrome de l’intestin irritable. On retrouve dans 15 à 20 % un syndrome de l’intestin irritable faisant suite à une infection intestinale.
Par ailleurs, la dépression est deux fois plus fréquente chez la femme. Or un syndrome anxiodépressif fait partie des facteurs contributifs du syndrome de l’intestin irritable.
Enfin, les femmes avec un syndrome de l’intestin irritable pourraient avoir été exposées plus souvent à un événement traumatisant (abus, harcèlement sexuel) dans le passé que les hommes.
Homme ou femme, on retrouve un antécédent d’abus sexuel dans 30 à 40 % des cas de troubles fonctionnels intestinaux.
Les examens
Pas d’altération de l’état général ni d’anomalies des examens biologiques
Par définition, les examens sont normaux dans le syndrome de l’intestin irritable, qui est un diagnostic d’élimination, essentiellement clinique. L’objectif des examens complémentaires est d’exclure une affection organique, rectocolique ou de la région abdomino-pelvienne. En cas de symptômes évocateurs ou d’alarme, des examens peuvent être proposés comme une numération formule sanguine (NFS) pour repérer une anémie, une endoscopie du côlon (coloscopie), une échographie abdominale, des analyses de selles en cas de diarrhée (coproculture).
Les traitements
Avant tout, diminuer la douleur et l’inconfort abdominaux
La pratique régulière d’une activité physique, qui accélère le transit des gaz, est conseillée.
Les régimes alimentaires reposent sur des notions simples comme manger raisonnablement et régulièrement, réduire les aliments que l’on a identifié comme étant mal supportés (environ un quart des malades sont réellement intolérants à certains aliments), éviter les aliments trop gras, se méfier d’une quantité excessive de fibres qui ont un effet sur le transit et peuvent accentuer ou déclencher la douleur et les ballonnements.
De plus, limiter les FODMAPs est un régime qui peut être tenté. Les FODMAPs sont des sucres dits fermentescibles (glucides ou hydrates de carbone) peu absorbés au niveau de l’intestin où ils vont donc fermenter sous l’action des bactéries. C’est cette fermentation qui entraîne les symptômes digestifs ressentis (avec une augmentation de production de gaz). L’acronyme anglais FODMAPs signifie « Fermentable Oligosaccharides Disaccharides Monosaccharides and Polyols », des sucres de plus en plus utilisés par l’industrie agro-alimentaire. Le régime consiste à réduire la quantité globale d’aliments riches en FODMAPs sans les exclure totalement, en s’appuyant sur les habitudes alimentaires de la personne et sur sa tolérance (réduction de la fréquence et/ou de la quantité). Il semble efficace chez environ une personne sur deux.
Les principaux aliments riches en FODMAPs sont ceux qui contiennent du lactose, certaines céréales comme le blé, l’orge et le seigle, certains légumes (asperges, choux, brocolis, poireaux, artichaut, etc.), certains fruits (comme pomme, poire, etc.), tous les édulcorants de synthèse et les plats industriels. Cependant, ce régime est contraignant et difficile à suivre. Dans l’idéal il doit être effectué de façon strict et encadré pendant 4 à 6 semaines. En cas d’amélioration des symptômes, une réintroduction progressive des familles d’aliments pourra être effectuée.
Les probiotiques jouent sur la composition bactérienne de l’intestin afin de lutter contre la dysbiose. Ils sont à tester en traitement d’appoint, de façon empirique au cas par cas. Chez certaines personnes, les symptômes digestifs sont améliorés. Tous les probiotiques commercialisés ne sont pas équivalents, certains n’ayant pas démontré leur efficacité. Il est donc préférable de prendre un probiotique ayant démontré une efficacité supérieure au placebo chez l’homme dans cette indication.
Le traitement médicamenteux de première intention du syndrome de l’intestin irritable repose sur des médicaments antispasmodiques. Ils minimisent les contractions intenses et brutales de l’intestin et sont efficaces sur les ballonnements et les douleurs (citrate d’alvérine, mébévérine, bromure de pinavérium, trimébutine, phloroglucinol). Le traitement inclut aussi les régulateurs du transit (laxatifs en cas de constipation et antidiarrhéiques en cas de diarrhée) et des recommandations hygiéno-diététiques. Les pansements gastro-intestinaux n’ont pas d’efficacité clairement établie.
L’hypnose peut contribuer à réduire les symptômes digestifs et l’anxiété, une composante prépondérante du syndrome de l’intestin irritable, avec chez certains malades résistant au traitement médical standard, des répercussions positives sur la qualité de vie, le bien-être psychologique et physique et les symptômes digestifs. L’hypnose est d’ailleurs recommandée en France dans la prise en charge du syndrome de l’intestin irritable réfractaire.
D’autres techniques peuvent être envisagée comme les thérapies comportementales cognitives ou la méditation en pleine conscience mais leur intérêt et leur efficacité sont moins bien étayés par les études scientifiques. L’ostéopathie doit encore faire ses preuves. Aucune étude publiée n’est en faveur de l’acupuncture et de la réflexologie dans les douleurs fonctionnelles digestives.
Les antidépresseurs à visée antalgique (de la classe des tricycliques, à faible dose) sont utiles dans certaines douleurs rebelles et sévères, car ils agissent sur les mécanismes de la douleur et la sensibilité viscérales.
Une prise en charge psychologique peut s’avérer utile en cas de syndrome anxiodépressif ou de retentissement psychologique important des troubles digestifs.