MALADIE DE CROHN
La maladie de Crohn est l’une des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) avec la rectocolite hémorragique. Elle est liée à une hyperactivité du système immunitaire digestif. De manière générale, les MICI sont partout en augmentation. L’Europe du Nord, de l’Ouest et les Etats-Unis sont les régions du globe où la maladie de Crohn est la plus prévalente. En France, plus de 120 000 personnes en sont atteintes.
La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique du tube digestif dont la cause reste inconnue à ce jour.
L’inflammation se traduit par une muqueuse intestinale fragile, inflammatoire (« irritée »), siège d’ulcérations plus ou moins profondes qui peuvent aller jusqu’à la perforation pouvant provoquer des abcès au contact de l’intestin malade voire une péritonite, des fistules (communication entre l’intestin malade et d’autres organes de voisinage comme l’intestin, la vessie ou la peau) ou des rétrécissements inflammatoires du calibre du tube digestif (sténoses).
La maladie de Crohn évolue souvent par des phases d’activité appelées « poussées » totalement imprévisibles et très variables en intensité, entrecoupées de périodes de rémission. Son impact sur la qualité de vie peut être considérable. Lorsque les symptômes de la poussée sont sévères (hémorragie, diarrhées, difficultés d’alimentation, etc.), l’hospitalisation est nécessaire.
Tous les segments du tube digestif sont potentiellement concernés, depuis la bouche jusqu’à l’anus. Le plus souvent, l’iléon et le côlon sont touchés. Dans la moitié des cas, l’anus est atteint (abcès, fissures, fistules anales).
Le tableau clinique est fonction de l’étendue, de la localisation et de l’intensité inflammatoire des lésions, avec de la diarrhée de façon prolongée, parfois sanglante (rectorragies), des douleurs abdominales, un amaigrissement et de la fièvre pouvant être liée à la formation d’un abcès. Une sténose peut être responsable d’une occlusion intestinale.
Les signes proctologiques (suintements, douleurs anales) ne sont pas à négliger.
La maladie de Crohn est aussi à l’origine de signes extra-digestifs telles des douleurs ostéo-articulaires et des manifestations cutanées, avec parfois l’apparition de nodules sous-cutanés inflammatoires (érythème noueux).
La fatigue, l’anorexie sont souvent le lot des malades de Crohn. Elle peut être responsable d’un retard de croissance chez l’enfant.
Qui présente un risque ?
Le tabagisme favorise et aggrave la maladie de Crohn
Les apparentés au premier degré de personnes ayant une maladie de Crohn ont effectivement un surrisque de développer la maladie par rapport au reste de la population, mais qui reste faible. Pour autant, la maladie de Crohn n’est pas une maladie héréditaire, ce qui n’exclut pas une susceptibilité génétique. En effet, certains gènes ont été identifiés comme favorisant l’apparition de la maladie lorsqu’ils sont mutés, à l’exemple du gène CARD15/NOD2 qui multiplie par 4 ou 5 le risque de souffrir de la maladie. 10 % à 25 % des personnes atteintes ont des antécédents familiaux de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI).
Le tabac joue un rôle majeur car associé à des formes plus graves de la maladie et plus difficiles à traiter. Il expose aussi à des rechutes plus fréquentes et à un surrisque d’opérations chirurgicales.
Aucune étude à ce jour n’a confirmé l’influence du stress ou d’un régime d’exclusion de certains aliments sur le déclenchement de la maladie ou de ses poussées. En revanche, le risque de carences (fer, vitamine D) et de dénutrition est important. Les supplémentations en acides gras oméga-3 et en probiotiques ne sont pas recommandées.
Une modification de la composition du microbiote intestinal (dysbiose) est fréquemment retrouvée dans la maladie de Crohn, sans que l’on sache si elle est une cause ou une conséquence de l’inflammation chronique.
L’augmentation de la perméabilité de la paroi intestinale, laissant passer des fragments bactériens au sein de l’épithélium intestinal, pourrait expliquer l’activation du système immunitaire et, de ce fait, la réaction inflammatoire localisée
Les examens
Les examens endoscopiques et radiologiques cartographient des lésions intestinales
Le diagnostic de maladie de Crohn est établi d’une part au moyen de prises de sang confirmant une inflammation ou une anémie et, d’autre part, par la réalisation d’une endoscopie œso-gastro-duodénale (EOGD) et d’une coloscopie qui permet de visualiser l’inflammation au niveau de la muqueuse intestinale, typiquement des ulcérations superficielles ou profondes.
Le scanner (tomodensitométrie), l’échographie ou une Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) permettent de mieux visualiser l’intestin grêle et peuvent révéler une complication (abcès, perforation, sténose).
Un faisceau d’arguments étaye la piste du processus inflammatoire avec tout d’abord la localisation, l’aspect endoscopique particulier de l’intestin et, dans un tiers des cas, la présence sur les biopsies (prélèvements effectués à l’aide d’un endoscope) de granulomes épithélioides (amas de cellules macrophages, ces globules blancs appartenant au système immunitaire), très évocateurs de la maladie.
Une IRM du périnée peut être utile pour explorer une fistule ou un abcès péri-anal.
Les traitements
L’inflammation sous contrôle
L’arrêt du tabac conditionne la réussite du traitement. Celui-ci ne permet pas de guérir la maladie. Il vise à limiter les poussées, à prévenir les complications, les récidives et en particulier post-opératoires.
La suppression des symptômes est l’objectif principal pour le patient.
La finalité du traitement est d’obtenir la cicatrisation des lésions de la muqueuse intestinale et de faire disparaître l’inflammation.
Plusieurs lignes de traitement existent, dont la corticothérapie. Elle est essentiellement prescrite en cures courtes lors des poussées, avec l’objectif de réduire l’exposition des patients à ses effets indésirables (prise de poids, manifestations cutanées, diabète, ostéoporose).
Les médicaments immunosuppresseurs constitués des thiopurines (azathioprine, 6-mercaptopurine) et du méthotrexate agissent de manière très ciblée sur certains acteurs du système immunitaire afin de calmer les réactions inflammatoires. Ils sont parfois utilisés seuls mais le plus souvent en combinaison avec les biothérapies. Celles-ci sont en majorité des « anticorps monoclonaux » qui modifient la réponse biologique en prenant pour cible des voies de l’inflammation digestive dont la plus connues est le facteur de nécrose tumoral (TNF). Quatre sont commercialisés : les anti-TNF infliximab et adalimumab et, plus récemment, l’ustekinumab, ciblant d’autres acteurs de l’inflammation, prescrit chez les patients réfractaires aux autres thérapeutiques. Un autre anticorps monoclonal, le vedolizumab, module l’immunité spécifiquement au niveau du tube digestif, avec l’avantage de limiter le risque d’infections et d’immunodépression généralisée. Son remboursement est remis en cause depuis 2017 dans la maladie de Crohn.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont à éviter, car ils peuvent provoquer une poussée ou aggraver des lésions intestinales.
Dans la maladie de Crohn, 50 à 70 % des patients devront subir une intervention chirurgicale dans les dix ans. Il s’agit pour le chirurgien de réséquer la partie de l’intestin malade ou de réparer une complication (sténose, fistule).
Malheureusement, la chirurgie n’empêche pas les récidives de la maladie, lesquelles sont presque constantes, dans 90 % des cas, y compris en l’absence de tout symptôme. C’est pourquoi toutes les précautions sont prises pour reséquer uniquement les segments d’intestin malade afin de le préserver au maximum. Dans certains cas, le chirurgien recourt de façon temporaire à une stomie (anus artificiel). Elles sont rarement posées de façon permanente