La rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn sont deux maladies intestinales provoquées par l’inflammation chronique des muqueuses. A la différence près que la rectocolite hémorragique affecte exclusivement l’extrémité distale du tube digestif, le rectum et souvent le côlon, en une atteinte inflammatoire continue de la muqueuse.
La rectocolite hémorragique (RCH) est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) liée à une réaction excessive du système de défense du corps (le système immunitaire). Comme la maladie de Crohn, elle évolue généralement par poussées entrecoupées de phases de rémission complète mais peut progresser parfois de façon continue. La plupart du temps, les lésions sont aggravées par les poussées successives, augmentant le risque de complications.
L’influence de facteurs immunitaires, environnementaux, génétiques ou hormonaux, de la flore intestinale sont évoqués mais à ce jour, la rectocolite hémorragique reste une énigme. Sa cause demeure inconnue, ainsi que les éléments déclencheurs des poussées.
L’inflammation concerne systématiquement le rectum. sur le côlon de façon plus ou moins importante mais ne laissant jamais d’intervalle de muqueuse saine. A contrario, la maladie de Crohn est une atteinte dite « segmentaire » pouvant toucher l’ensemble du tube digestif avec une alternance entre les zones saines et les zones malades.
Le vocabulaire est spécifique de la partie touchée par l’inflammation : le terme de « rectite » est employé lorsque seul le rectum est inflammé puis, en fonction de l’étendue dans le côlon, on aura une « rectocolite gauche » lorsque les lésions restent en-deçà de l’angle gauche du côlon et une « pancolite » lorsque l’inflammation s’étend au-delà. L’anus et l’intestin grêle ne sont jamais atteints.
La rectocolite hémorragique est sévère chez un malade sur dix en cas de pancolite.
Visuellement, une muqueuse inflammée est fragile, semble « irritée » et est le siège d’ulcérations plus ou moins profondes.
Les signes ressentis par le malade dépendent de l’étendue, de la localisation et de l’intensité inflammatoire des lésions. La diarrhée est souvent présente, contenant habituellement des glaires et du sang (rectorragies). La présence de glaires et de sang dans les selles doit être prise très au sérieux.
Une rectite provoque des douleurs rectales (ténesmes), avec l’évacuation de pertes glairo-sanglantes. Elle se traduit par une envie pressante d’aller à la selle ou des faux-besoins, les selles ne contenant pas de matière fécale (« syndrome rectal »).
Dans les formes étendues (pancolites) sévères, la diarrhée importante est souvent sanglante (d’où le terme de rectocolite « hémorragique ») et accompagnée de douleurs, d’un amaigrissement, de fièvre et d’une importante fatigue.
Lorsque les symptômes engendrés par la poussée sont sévères (hémorragie, diarrhée, difficultés d’alimentation, etc.), l’hospitalisation s’impose.
La rectocolite hémorragique est également à l’origine de signes extra-digestifs chez au moins un tiers des malades avec, au premier plan, des douleurs ostéo-articulaires plus ou moins sévères comme le gonflement des articulations atteintes (chevilles, genoux, poignets) et des éruptions cutanées, plus rarement des lésions oculaires (uvéites). L’une de ces manifestations dermatologiques est l’érythème noueux. Ces nodules sous-cutanés inflammatoires se présentent sous la forme de petites masses douloureuses et de couleur violacée. Enfin, moins de 5 malades sur 100 ont une atteinte des voies biliaires.
La qualité de vie d’un malade atteint de rectocolite hémorragique peut être très dégradée et sa souffrance psychologique considérable.
Qui présente un risque ?
Tabac, stress et alimentation sélective…
Le fait qu’un parent au 1er degré souffre d’une rectocolite hémorragique confère un faible surrisque de développer soi-même la maladie. Sans être une maladie héréditaire, certains gènes de susceptibilité semblent favoriser son déclenchement, lorsqu’ils sont mutés. Les formes familiales varient de 5 % à 20 % selon les études.
Au contraire de la maladie de Crohn, le tabac n’a pas d’effet délétère démontré, voire serait protecteur. Mais les conséquences potentielles du tabagisme sur le système cardio-vasculaire et les poumons sont telles que sa poursuite ou sa reprise au cours de la rectocolite hémorragique ne peut pas s’envisager.
Pour sa part, le stress n’influence pas l’apparition de la maladie ni même celle des poussées, mais pourraient néanmoins les aggraver.
De plus, exclure certains aliments de son alimentation semble inutile, d’autant plus risqué que la rectocolite hémorragique expose à un risque de carence en fer. Aucun régime alimentaire n’a fait la preuve d’un effet bénéfique ou bien néfaste sur la rectocolite hémorragique. D’ailleurs, parmi les carences en micronutriments, celles en fer et en vitamine D doivent être systématiquement recherchées et supplémentées. Quant à la supplémentation en oméga-3 pour maintenir la rémission, elle n’est étayée par aucun argument scientifique.
Deux précautions : les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont à éviter, car ils peuvent théoriquement provoquer une poussée ou aggraver des lésions intestinales. Les médicaments anti-diarrhéiques (de type lopéramide) sont à éviter en cas de poussée sévère car ils peuvent augmenter le risque de colectasie (mégacôlon toxique).
Cause ou conséquence de l’inflammation chronique, la composition du microbiote intestinal d’une personne ayant une rectocolite hémorragique est modifiée (dysbiose).
Les examens
Seuls les examens endoscopiques confirment le diagnostic
Dans la mesure où aucune atteinte inflammatoire n’est retrouvée en dehors du rectum et du côlon, seule la coloscopie est indiquée. Elle permet de visualiser l’intérieur du rectum ou du côlon grâce à un tube flexible introduit par l’anus et met en évidence une atteinte inflammatoire continue de la muqueuse rectale et/ou colique plus ou moins étendue, et typiquement des ulcérations superficielles ou profondes.
Contrairement à la maladie de Crohn, le prélèvement d’un fragment de muqueuse en vue d’un examen microscopique (biopsie) ne retrouve pas de granulome épithélioïde (amas de macrophages, ces globules blancs appartenant au système immunitaire).
Le diagnostic repose donc un faisceau d’arguments : l’aspect endoscopique de la muqueuse, la localisation des lésions restreintes au rectum et au côlon, une inflammation et une anémie (diminution de la quantité d’hémoglobine dans le sang) confirmées par une prise de sang et l’absence de cause infectieuse d’après un examen des selles.
Dans les formes graves, un scanner peut être indiqué en urgence pour rechercher une colectasie ou une perforation de la paroi de l’intestin ou du rectum.
Les traitements
Stopper l’inflammation permet la cicatrisation des lésions digestives
L’objectif du traitement de la rectocolite hémorragique est d’obtenir la cicatrisation des lésions du point de vue endoscopique et, de ce fait, le soulagement des symptômes.
Les traitements sont guidés par l’étendue et la sévérité de la maladie : alors que les formes basses rectales ou recto-sigmoïdiennes peuvent être traitées par suppositoires ou lavements, les formes plus étendues justifient d’un traitement par voie générale. Mais quelle que soit la voie d’administration, le médicament de première intention au cours des poussées de la maladie, dans les formes légères à modérées, est l’anti-inflammatoire mésalazine (acide 5-aminosalicylique ou 5-ASA), remplacée en cas d’échec par une corticothérapie prescrite sur une durée la plus courte possible (cortisone pendant 3-4 semaines).
Lorsque ces thérapeutiques ne suffisent pas ou lorsque la rectocolite hémorragique est sévère, les médecins disposent d’immunosuppresseurs et d’immunomodulateurs.
L’immunosuppresseur ciclosporine est utilisé en cure courte dans les formes graves, lors des poussées sévères. Les médicaments immunosuppresseurs appelés thiopurines (azathioprine, 6-mercaptopurine) ciblent certains acteurs du système immunitaire afin de calmer les réactions inflammatoires. Ils sont majoritairement associés à des biothérapies. Ces dernières sont en majorité des « anticorps monoclonaux » : infliximab, adalimumab et golimumab, trois molécules appelées des « anti-TNFalpha ». Ils modifient la réponse biologique en prenant pour cible des voies de l’inflammation digestive dont la plus connues est le facteur de nécrose tumoral (TNF). Ces médicaments qui ne sont pas dénués d’effets indésirables ne doivent pas être administrés en cas d’infection évolutive. Un autre anticorps monoclonal, le vedolizumab, module l’immunité spécifiquement au niveau du tube digestif, avec l’avantage de limiter le risque d’infections et d’immunodépression généralisée. Des traitements oraux devraient être prochainement disponibles en cas d’échec des anti-TNFalpha.
En cas d’échec des traitements, il est possible de recourir à une intervention chirurgicale qui consiste en une « procto-colectomie » totale, qui signifie l’ablation à la fois de la totalité du côlon et du rectum. L’intestin grêle est alors connecté à l’anus au moyen d’un montage chirurgical (anastomose iléo-anale), doté d’un réservoir iléal confectionné avec une partie de l’intestin grêle. Le résultat peut être considéré comme satisfaisant si le patient consigne 4 à 5 selles molles par jour et aucune la nuit.
Néanmoins, dans 30 % des cas, l’inflammation peut récidiver et gagner le réservoir (pochite).
Dans le cas des colites aigües graves, les corticoïdes et éventuellement des immunosuppresseurs (ciclosporine ou infliximab) sont injectés par voie intra-veineuse avant d’envisager une colectomie totale en urgence en cas d’échec.
Aujourd’hui, une hémorragie importante, une complication infectieuse suite à la perforation du côlon ou un cancer colorectal sont retrouvés dans les rares décès liés à la rectocolite hémorragique.